Charlotte Delaunay

Biographie :
Nous sommes en 1845. En plein milieu d’un XIXème siècle féru de sciences et d’inventions, la pire des misères se développe en parallèle de l’explosion des économies occidentales grâce à l’établissement de leurs empires coloniaux. En France, dans une famille bourgeoise, propriétaire de plusieurs journaux de presse, une petite fille vient de naître. Elle s’appelle Charlotte et grandit dans le luxe, l’amour de ses parents et reçoit une éducation conforme à l’époque. C’est une fille, et en tant que telle, elle est élevée (on devrait plutôt dire confite) dans la religion et dans le but de trouver un mari et de faire des enfants. On lui inculque l’idée que le mariage et la maternité sont les deux buts de la vie d’une femme et qu’il ne peut en être autrement puisque son destin est tracé par Dieu. A l’âge de 19 ans, on la marie donc à un homme de son rang, Hubert Lacoste dont la famille est propriétaire de plusieurs mines de charbon dans le nord de la France. Mais c’est un homme violent. Charlotte accuse les premiers coups en silence mais devant l’injustice de sa condition, elle se rebelle et retourne chez ses parents en demandant le divorce.
Ceux-ci, ayant malgré tout l’esprit plus ouvert que la moyenne, la laissent libre désormais de faire ce qu’elle veut. Jusqu’en 1875, elle fréquente les milieux littéraires et artistiques et c’est parmi ces hommes qu’elle fera son éducation politique, philosophique et morale. Cette année-là tout va changer pour elle et une troisième vie va s’ouvrir à elle.

La Troisième République née de la chute du Second Empire est encore jeune et de toutes parts, des groupes extrémistes s’acharnent à la faire tomber. Paris sent encore la poudre des soulèvements passés et dans cette ambiance électrique, Charlotte participe à la rédaction d’un journal libre. Un soir, alors que le bouclage s’est fini tard, elle rentre chez ses parents, rue du Faubourg Saint-Martin et a refusé de se faire accompagnée. Elle connaît bien cette ville et n’en a pas peur. Elle connaît les enfants de la rue, elle connaît quelques prostituées qu’elle a aidé à soigner. Elle se sent chez elle. Pourtant, ce soir, elle sent quelque chose de différent dans l‘air. A peine cent mètres après la porte du journal, elle a senti une présence derrière elle. Elle marche comme d’habitude et pour tester cette présence, elle a fait un crochet par des rues qui l’éloigne de chez elle. En reprenant le bon chemin, la « présence » est toujours là. Elle est suivie. Elle reste calme mais ne peut empêcher son cœur de battre plus vite que d’habitude. Elle accélère et derrière elle « on » accélère également. Affolée, elle se met à courir et finit par se réfugier sous une porte cochère. Elle reprend son souffle tête baissée mais soudain, elle cesse de respirer. Elle vient d’entendre des bruits de pas sur le trottoir. Elle relève la tête doucement et pousse un hurlement. Devant elle, un homme, grand, le visage sombre et de grands yeux bleus la regarde en souriant.

Pourquoi crier ? La mort n’est qu’une autre vie mon enfant.

A ces mots, il plante ses canines dans le cou de Charlotte qui tremble de tous ses membres. Peu à peu, elle sent la vie la quitter mais au dernier moment, la créature la relâche. Elle s’effondre inanimée.

Paris, mai 1945

De toutes parts, on entend des coups de feu. Dans tous les quartiers des barricades se sont élevées et les hommes ont repris les armes. Dans tous les quartiers on se bat avec l’énergie que seul donne l’espoir d’être enfin libre. Charlotte est là. Elle se bat elle aussi. Elle vient de fêter son premier siècle passé sur terre et elle se bat pour donner un sens à une vie qu’elle pressent démesurément longue. Elle se bat aussi pour le retrouver. Celui qui l’a faite ainsi. Elle ne se souvient pas de son visage mais elle n’a pas oublié sa voix et surtout pas son accent germanique prononcé. Il est allemand ou autrichien mais pour l’heure c’est la même chose. L’invasion de son pays lui a redonné l’espoir de le revoir… et de le tuer. Elle a combattu dès la première heure les forces d’occupation et elle ne doit qu’à ses canines d’être encore en vie. Elle l’admet bien volontiers. Mais jamais elle n’aurait connu cette guerre innommable s’il ne l’avait vampirisée ce soir-là. Elle en est persuadée, tout est de sa faute à lui. Alors, elle l’a cherché, en vain. Aujourd’hui, les maigres indices qu’elle a pu récolter lui indiquent qu’il est dans l’hôtel de ville. Depuis 4 ans, il est sous ses yeux ou presque ! Ce soir, la ville sera libre et elle tiendra sa vengeance. Elle sait qu’aucun homme ne pourra le tuer, elle seule le peut. Alors elle se bat pour avancer, pour courir à la victoire et à la mort.

Tokyo, avril 2009

Cela fait dix ans qu'elle s'est installée au pays du soleil levant. Dix ans de traque vaine et infructueuse. Pourtant, elle sait qu'il vit ici mais dans une mégapole comme Tokyo retrouver quelqu'un qui vous échappe depuis plus d'un siècle relève de la folie. Elle a eut recours à d'autres de ses "collègues" et les informations recueillies l'amènent inexorablement jusque dans le milieu des Yakusas. Milieu dangereux et extrêmement fermé mais elle sait comment y entrer. Les mâles, vampires ou humains, sont tous les mêmes.